150 000 nouveaux logements sociaux à construire chaque année ?

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Ne faut-il produire du logement qu’en construisant ?

Pour mémoire, l’empreinte carbone de la construction immobilière se situe à environ 1.000 kg de CO2 par m2 réalisé. Le bilan carbone de la construction est considérable, du fait des matériaux eux-mêmes et des énergies nécessaires. Chaque chantier traditionnel donne lieu directement et indirectement à des émissions de gaz à effet de serre, que l’on cherche à réduire…

Alors, il y a des questions à se poser…

Certes, la demande de logements, notamment sociaux est là, mais dans l’esprit d’une économie circulaire et de la revalorisation de l’existant, les réponses ne viendront pas uniquement de la seule construction de nouveaux bâtiments.

D’ailleurs, sur 82 000 nouveaux logements sociaux mis à l’habitation en 2022 en France métropolitaine, bon nombre sont issus de la transformation-adaptation-réhabilitation d’immeubles initialement conçus pour des usages différents (garages, bureaux, équipements).

Le Conseil National pour la Refondation Logement avait bien souligné la nécessité de moins évoquer « l’acte de bâtir », que l’idée de mettre en œuvre un « potentiel d’habitat » nouveau.

Les pistes sont diverses et quantitativement non négligeables.

Mobiliser les logements vacants

Sur les 36,6 millions de logements en France métropolitaine, déduction faite des résidences secondaires et des logements occasionnels, on compte environ 3 millions de logements vacants, dont 60% dans les villes de moins de 100.000 habitants et les communes rurales.

Certains de ces logements vacants ne sont peut-être pas facilement réutilisables, mais beaucoup se situent sur des secteurs où les employeurs ne trouvent pas suffisamment de population active. Une politique dynamique d’aménagement du territoire permettrait d’attirer plus de monde là où sont localisés ces logements vacants.

Les opérateurs du logement social pourraient ainsi prendre ces logements à leur compte et leur donner une nouvelle vie, sans avoir besoin de construire et d’imperméabiliser des sols nouveaux, par exemple.

Transformer des immeubles existants et leur conférer un nouvel usage d’habitat

Les équipements inutilisés, publics ou privés, (obsolètes ou ne répondant plus à un besoin) constituent aussi un potentiel exploitable pour y réaliser des logements sociaux.
Les coûts de transformation ne sont sans doute pas significativement inférieurs à ceux de la construction neuve, mais l’empreinte carbone globale des travaux sera toujours bien inférieure.
Il semble que la France compte plus de 3,3 millions de m2 de bureaux excédentaires par rapport aux besoins. Une partie est certainement transformable en logements.

Parfois, de tels changements d’usage pourraient ne pas être pérennes et répondre à un besoin d’hébergement d’urgence, dans l’attente d’une autre affectation.

Autre gisement : les surélévations des bâtiments existants

Dans les secteurs urbains où le foncier est onéreux, c’est un moyen de produire des logements nouveaux dans des conditions satisfaisantes.

Moyennant un assouplissement des règles d’urbanisme (esquissé dans la loi ALUR), une adaptation des contraintes de préservation du patrimoine et un traitement juridique plus favorable des potentiels troubles de voisinage induits, il serait possible de trouver des surélévations productrices de nouveaux logements dans le tissu urbain existant.

Les techniques d’ossature bois répondent, dans ces cas de surélévation, aux principaux objectifs, dans les meilleures conditions.

Orienter les efforts de production nouvelle

À un moment, il faut savoir adopter une attitude un peu dirigiste, pour éviter de produire une offre nouvelle supplémentaire de logements sociaux dans des secteurs déjà très contraints, même si la demande existe, et plutôt favoriser des bassins d’emploi sous-équipés en logements.

Dans les secteurs tendus, chacun peut constater l’effet pervers de la construction de nouveaux programmes sociaux, du fait des mécanismes d’attribution qui conduisent le plus souvent à rassembler des ménages fragiles sous un même toit.

Diversification des modes de production, plutôt que « choc de l’offre » par la construction

Il est bien peu vraisemblable que l’objectif de production de 150 000 nouveaux logements sociaux puisse être atteint à court terme, principalement du fait des enjeux de réhabilitation et d’amélioration des performances thermiques du parc locatif existant ; cependant, à côté des projets de construction neuve, de nouveaux logements sociaux peuvent être produits autrement dans des proportions plus importantes.

Les organismes de logement social et les élus locaux devront, ensemble, explorer les gisements de production les plus pertinents et cohérents avec l’environnement, au sens large.

 

Article publié le 29/06/2023.

 

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Cet article a été rédigé par

Olivier LEBLANC

Consultant-expert indépendant, formateur AFPOLS
Ex-directeur général d’OLS, 40 ans d’expérience du logement social

olivier.leblanc75@gmail.com